Une journée à Suzhou

2 | 10 octobre 2014

Elles se sont levées de bonne heure, prêtes à affronter avec force et bravoure cette nouvelle journée ! Les passants et les travailleurs ont pu les voir dans le bus 204 puis 202, assises près de la fenêtre, à laisser leur regard traîner sur les immeubles, les panneaux, les pousse-pousse et les innombrables voitures. La circulation est mauvaise à cette heure-là. Bus et taxis n’avancent pas. Les klaxons agacent les oreilles des deux voyageuses dans un bruit strident et continu. Les difficultés commencent en cette belle matinée de mai, le soleil déjà haut dans le ciel les réchauffe et frappe leurs épaules endolories par le poids des sacs.

A la gare, de longues files d’attente pour les guichets. Elles prennent leur mal en patience en préparant une jolie phrase en chinois pour expliquer leur problème : « women yao huanqian Hangzhou – Shanghai tong yangde tian danshi zai wanshang ». Mais l’effort est voué à l’échec dès les premières secondes face à la vendeuse. Elle leur indique le guichet 2. Habituées maintenant au fonctionnement des gares chinoises, avec un petit sourire, les deux jeunes filles se dirigent vers le dit guichet et se mettent dans la queue. Encore dix minutes d’attente pour apprendre que ce n’est pas possible d’échanger les billets de train Hangzhou-Shanghai ici. Le « go to Shanghai to change it » les achève. Face à l’illogisme et la stupidité du propos, elles se retrouvent dehors, désemparées. Mais elles ne s’avouent pas vaincues et décident, avec raison, de profiter quand même de cette journée à Suzhou.

Armées de courage et d’énergie, elles entament, à pied bien entendu, Renmin Lu jusqu’à la pagode du Nord et le musée de la soie, 1ère étape du programme. La chance sourit aux audacieux et les deux jeunes baroudeuses vérifient alors ce dicton en se joignant à un groupe de touristes pour la visite guidée, le tout sans payer de ticket d’entrée. Ce musée leur permet de découvrir toutes les étapes de la fabrication de la soie jusqu’à l’achèvement vestimentaire. Il faut donc 7000 vers à soie pour faire une robe. Aventurières certes, mais filles avant tout, elles se prennent à rêver devant les robes et tuniques chinoises en soie, aux couleurs vives et éclatantes ! Mais leur budget ne leur permet pas cette folie, et avec regret, elles laissent derrière elles ces véritables robes de princesse pour continuer leur chemin sur Renmin Lu.

Leurs pas assurés les mènent jusqu’au marché aux fleurs et aux oiseaux. Agréable pause au milieu des fleurs, des bambous, des bonzaïs et autres plantes exotiques. La fraîcheur de ces ruelles repose et détend leur corps fatigué. Le marché aux oiseaux et aux animaux en tout genre, parmi lesquels tortues, chiens, poissons, iguanes, serpents, scorpions, souris, et cochons d’Inde, s’offre peu après à elles. Leurs regards se font surpris, étonnés, dégouttés, amusés.

Elles s’accordent ensuite une pause repas au soleil, composé de pain et de délicieuses brochettes. Ainsi, elles reprennent des forces, nécessaires pour les mener, sous cette chaleur écrasante, à la prochaine étape. Mais au bout de quelques temps, force est de constater qu’elles sont allées trop loin et que le Jardin du Pavillon de l’Harmonie est dans leur dos, à dix bonnes minutes de marche en sens inverse. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, elles choisissent alors de visiter le temple de Confucius.

Après quelques détours, elles entrent enfin dans le Jardin du Pavillon des Vagues, véritable havre de paix. Face à elles, des chemins qui serpentent dans une forêt de bambous, des calligraphies sur les murs des pavillons, un petit étang où nagent quelques poissons rouges ou blancs, des arbres centenaires. Là encore, une fois de plus, le charme de ces petits îlots de verdure fait son effet sur les deux jeunes filles. Elles y trouvent ici calme et réconfort, repos et sérénité, tranquillité et douceur. L’harmonie du lieu les touche, les pousse même au silence pendant plusieurs minutes.

Mais toujours le temps presse et joue contre elles. Sacs sur le dos, elles repartent vers NanMen Lu et l’embarcadère. Une nuit sur un bateau, pour relier Suzhou à Hangzhou, voilà ce qui les attend. Un bateau tout en longueur, avec une minuscule allée sur les côtés ; un restaurant, des toilettes, une cuisine. Les sacs posés dans la cabine 108, elles visitent l’endroit et leurs yeux brillent, traduisant leur joie presque enfantine d’être là, la folie agréable qui les a menées jusqu’ici, sur les bords de cette rivière.

Allongées sur les couchettes du haut, elles regardent le paysage changer et l’eau couler… symbole du temps qui passe et qui emmène vers de nouveaux horizons, vers de nouveaux souvenirs… l’une d’elles, la plus jeune, se revoit presque il y a quelques années sur le bateau pour la Grèce, avec cette odeur caractéristique et si particulière des bateaux, avec ce léger vrombissements du moteur, avec le reflet des lumières de la rive sur l’eau, avec ce sentiment de liberté. Elle ne peut s’empêcher de sourire face à ce souvenir qui colle tant au moment présent. Pendant ce temps, l’autre voyageuse rêve et construit un projet des plus attrayants : dans un an, elles reviennent avec qui veut, pendant le mois d’août, faire la Chine du Sud, le Vietnam, le Laos. Jeunes filles éprises de liberté et de voyage, atteintes jusqu’au plus profond d’elles-mêmes par ce virus de la vadrouille et de la flânerie…

Ne pouvant échapper à leurs origines banlieusardes, les deux jeunes filles tentent de sortir par la fenêtre de la cabine pour aller boire une bière à la fraîche. Hélas, la folie délinquante est coupée court très rapidement par la venue d’un homme de l’équipage qui leur interdit de faire ça. Après un fou rire dû à la situation et à ce qu’elles s’apprêtaient à faire, elles se résignent à aller au restaurant afin de trouver de la lumière et une table pour poser sur le papier les souvenirs de cette dernière journée au paradis…

vacances 125

2 commentaires

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Laurent
Laurent

10 octobre 2014

Je viens de découvrir votre blog et j'aime beaucoup le style d'écriture, cet article était vraiment super à lire, surtout le coup de la bière ! ^^

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Gaëlle Zimmer
Gaëlle Zimmer

10 octobre 2014

Merci beaucoup pour ton commentaire ! Je suis contente que le blog et l'article te plaise :) Oui le coup de la bière nous a aussi bien fait rire sur le moment... on aura tenté au moins !

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